Pour réussir ses cultures, un choix judicieux des semences s'impose
Le choix des espèces
Les facteurs à considérer dans le choix des espèces sont plus nombreux qu’il n’y paraît. Le goût et les besoins alimentaires des membres de la maisonnée constituent le principal, mais on doit aussi tenir compte de l’espace disponible, du climat, du parasitisme et de l’expérience du jardinier. Lorsque l’espace est limité, on délaissera maïs, pommes de terre et courges d’hiver au profit des oignons, des poireaux, des laitues, des tomates et des choux, des espèces plus productives en rapport avec la surface utilisée. Il faut aussi arrimer le temps de croissance des légumes avec la zone de rusticité. Ainsi, il est difficile d’obtenir dans les régions du nord d’abondantes récoltes de poivrons, de melons et d’aubergines, à moins de tricher en utilisant des abris; les radis, les pois, les laitues, les carottes, les betteraves, les oignons et les choux conviennent mieux à des conditions septentrionales. La présence d’insectes et de maladies dans le milieu de culture joue également sur le choix des espèces. Pour régler un problème à la source, on peut abandonner la culture des végétaux qui sont victimes de problèmes récurrents. Ainsi on évitera la culture des brocolis et des choux-fleurs là où la cécidomyie du chou-fleur pose problème et celle du concombre là où la chrysomèle sévit. Enfin, un néophyte ne devrait pas se lancer dans des cultures difficiles comme celles du melon, du chou-fleur, de l’artichaut ou du céleri-rave. Il devrait plutôt se concentrer sur des légumes faciles à cultiver comme les haricots et les pois, les laitues et les chicorées, les carottes et les betteraves, question de se faire la main.
Le choix des cultivars
Le nombre de cultivars offert par les semenciers et les multiples qualificatifs qu’ils emploient pour les décrire compliquent le choix des jardiniers. Chez certains semenciers, on trouve jusqu’à 100 cultivars de tomates. Leurs noms, souvent racoleurs, contribuent à créer de la confusion. Les appellations Ultrasonic, Fireball ou Ultra Girl captent certes l’attention, mais elles ne décrivent aucunement les qualités de la tomate qui sera récoltée. Pour faire un choix judicieux, on doit opter pour un semencier qui consigne dans son catalogue une information pertinente et rigoureuse. Pour la sélection des cultivars, on tient compte de plusieurs facteurs dont voici les principaux.
Les caractéristiques de la partie comestible
Les caractéristiques de la partie comestible sont étroitement liées aux plaisirs de la table. La majorité des jardiniers s’adonnent au jardinage pour consommer des fruits et des légumes d’un goût supérieur à ceux des supermarchés. On repère le cultivar rêvé en interprétant les descriptions inscrites dans le catalogue. Une autre bonne raison pour bien choisir son semencier. En général, les cultivars développés pour le commerce, la récolte mécanique et pour le transport sont moins savoureux. On doit aussi considérer la taille des légumes. Ainsi, on peut choisir une courge géante ou miniature, une petite carotte de fantaisie au goût délicat ou une autre plus grosse, excellente pour le jus et les ragoûts, une tomate de type beefsteak, une tomate italienne ou une tomate cerise. La quête du cultivar parfait n’a pas de fin ! C’est d’ailleurs ce qui rend l’exercice passionnant.
Les caractéristiques du plant
Les cultivars de légumes ne nécessitent pas tous le même espace. Certains sont courts et trapus, alors que d’autres sont grimpants et étendus. Ainsi, le concombre Spacemaster prend moitié moins d’espace qu’un cultivar standard ; le haricot nain n’a pas à être tuteuré comme le haricot grimpant ; la tomate déterminée est plus courte et compacte que la tomate indéterminée dont la croissance est continue. On sélectionnera donc les cultivars en fonction de l’espace disponible.
Le temps de croissance
La plupart des semenciers attribuent un temps de croissance à chaque cultivar. Ces données, souvent aléatoires constituent néanmoins une référence à considérer dans la sélection des cultivars. Dans les régions nordiques, on optera d’emblée pour des cultivars hâtifs. Cependant, comme la précocité affecte souvent la qualité gustative d’un légume, on choisira, lorsque la saison le permet, des cultivars plus tardifs.
La résistance aux insectes et aux maladies
Les généticiens développent sans cesse de nouveaux cultivars opposant des résistances à un nombre croissant de maladies et de ravageurs. Certains cultivars de concombre sont entièrement exempts de cucurbitacine (substance amère présente dans le feuillage et parfois dans le fruit), ce qui les rend moins attrayants pour la chrysomèle rayée du concombre : c'est le cas du Suyo Long. De nombreux cultivars de concombre modernes résistent à la tache angulaire, à l’anthracnose et à la mosaïque. Plusieurs cultivars de tomate sont insensibles à la mosaïque du tabac et à la verticiliose; d’autres ne sont pas affectés par les nématodes, des vers microscopiques qui parasitent les racines. Pour régler à la source certains problèmes de parasitisme, le choix d’un cultivar résistant constitue une piste de solution intéressante.
La qualité des semences
Une fois choisis les espèces et les cultivars, on doit prêter une attention particulière à la qualité des semences qu’on emploie. L’âge des semences joue sur le taux de germination. Le tableau à la fin du texte indique le temps de conservation des principales espèces. De nombreuses observations indiquent que les semences biologiques se conservent plus longtemps que les semences industrielles. On doit conserver les semences dans un endroit frais et sec; une armoire fraîche convient bien. Rangées au congélateur dans un contenant bien scellé, elles se conservent jusqu’à 20 ans dans la plupart des cas.
Le taux de germination des semences varie d’un semencier à l’autre. Il importe donc de bien choisir ses fournisseurs. Il est bon de spécifier que les semences vendues en pharmacie, en quincaillerie ou dans les supermarchés n’atteignent pas toujours les standards de qualité auxquels on est en droit de s’attendre. Mieux vaut commander directement chez des semenciers ayant fait leurs preuves. Des semences de qualité biologique ou de culture nature répondent mieux à la culture écologique que celles produites à l’aide de doses massives d’engrais de synthèse et de pesticides. Elles donnent des plants plus vigoureux, plus résistants et mieux adaptés. On trouve maintenant sur le marché un nombre croissant de semences biologiques ou de culture nature, ce qui permet au jardinier de conduire ses cultures en travaillant en cycle biologique complet.
Des semences produites localement donnent des plants mieux adaptés au climat local, une raison de plus d’encourager un producteur régional. L’offre accrue d’hybrides encourage le monopole des semenciers; en effet, on ne peut conserver les semences de plants hybrides, car leurs descendants ne développeront pas les mêmes caractères. Pour retrouver les caractères des cultivars hybrides, on doit retourner chez le fournisseur, ce qui est tout à son avantage; par surcroît, les semences hybrides sont plus chères que les semences de cultivars à pollinisation libre.
Pour produire des semences, il faut travailler avec des cultivars à pollinisation libre qui reproduisent les caractères des parents, pourvu qu’on ait respecté les distances séparatrices requises entre deux cultivars. Par une sélection méticuleuse des plants mères et des fruits porteurs des semences qu’on désire conserver, on peut accroître d’année en année la qualité d’un cultivar. C'est ce que nous faisons aux Jardins du Grand-Portage.
Quoiqu’il n’existe pour le moment en Amérique du Nord qu’un nombre restreint de cultivars de légumes modifiés génétiquement, la menace plane. En effet, la compagnie Monsanto a acquis en 2005 Seminis, la plus importante compagnie de production de semences de légumes en Amérique du Nord. On pourrait donc voir apparaître prochainement dans certains catalogues des courges, des concombres, des betteraves, du maïs et des tomates modifiés génétiquement. Les jardiniers devront demeurer vigilants dans le futur s’ils désirent se soustraire à cette pollution génétique. En dernier lieu, il faut éviter d’employer des semences traitées. Les fongicides dont on les enrobe pour les protéger de la pourriture sont des poisons dangereux qui portent préjudice à la santé pendant la manipulation et aux oiseaux qui s'en nourriraient. De plus, ces poisons stérilisent le sol autour de la semence en germination, ce qui mine les associations intimes entre les micro-organismes et la plante naissante dont la croissance sera inévitablement affectée. Dans un sol sain et bien structuré, les semences ne pourrissent pas si elles sont semées au bon moment.
Temps de conservation des semences selon l'espèce
2 années : maïs, oignon, panais
3 années : poivron, poireau, salsifis, persil
4 années : haricot, carotte, laitue, pois, épinard
5 années : tomate, betterave, bette à carde, courge, citrouille, radis et tous les choux
6 années et plus : céleri-rave, concombre, melon, chicorée, cerise de terre et aubergine
Yves Gagnon, auteur et semencier.