Portrait de Louis-Philippe et Ruxandra ; de la ville à la campagne
De la ville à la campagne !
J’ai fait une superbe rencontre à la fête des semences de Lanaudière 2020, deux semaines avant le confinement de mars dernier : Louis-Philippe Mailloux et Ruxandra Popescu, respectivement ingénieur et comptable de formation. Ils m’ont approchée dans le but de devenir producteurs de semences pour Semences du Portage. Habitant à Montréal à mi-temps, Louis-Philippe et Ruxandra ont acheté à Saint-Cuthbert dans Lanaudière une terre qui est maintenant certifiée biologique par Ecocert Canada.
Depuis l’achat en 2016, ils ont travaillé très fort pour rendre leur terrain propice à la culture des plantes maraîchères, aromatiques et ornementales : ils ont entre autres creusé un puits, nivelé leur terrain et installé un système d’irrigation relié à leur lac.
Mon père Yves Gagnon, ma fille Naïma-Rose et moi-même sommes allés à leur rencontre à la fin du mois d’août et j’en ai profité pour leur poser quelques questions.
Comment se passe votre saison 2020?
Louis-Philippe
Nous avons eu un printemps très très très rock’n’roll. Dernière semaine du mois de mai : canicule sans eau. Début juin : gel. On a perdu des tomates et des poivrons ; il a donc fallu refaire des semis. Après ça, au mois de juin, une canicule pas d’eau du tout. Dix fois moins d’eau qu’espéré. On a irrigué grâce à notre puits et notre système d’irrigation récemment installé. On a réussi à ouvrir le jardin 1, 2, 3 pour un total de 5 jardins. On a donc quadruplé notre superficie cette année.
Aussi, on finalisait l’intérieur de notre maison, mais finalement, on a dû arrêter pour se consacrer uniquement au jardin. Ruxandra a continué de travailler 5 jours par semaine à Montréal, mais à cause de la COVID, elle travaillait de la maison à Montréal. Elle faisait un peu d’allers-retours pour aider dans les jardins les fins de semaine.
Est-ce que ça vient de vous deux cette envie de travailler la terre?
Ruxandra
On a tout fait ça ensemble. Depuis 2013, on a cette envie de travailler la terre. C’est sûr que, présentement, Louis-Philippe passe plus de temps au jardin, mais j’apprends énormément. La sécheresse cette année, les vagues de températures différentes, c’était super intéressant d’apprendre ça; on était surtout très content d’avoir notre système d’irrigation bien en place !!!
Louis-Philippe
Roxy c’est une fille de la ville. Ses parents sont arrivés ici à 40 ans ; elle avait seulement un an ; son père apportait toujours avec des charcuteries et des fesses de porc à la maison.
Ruxandra
Mon père, quand j’étais jeune, arrivait avec le porc dans la maison pour le transformer. J’ai toujours voulu retourner à la source, retourner à la terre. Je ne savais pas comment. Louis-Philippe et moi quand on s’est rencontrés, on parlait beaucoup de ça et éventuellement ça s’est fait naturellement. Je voulais jardiner, mais on était en ville. On manquait d’espace. On a toujours voulu jardiner : puis on s’est dit qu’on allait faire des semences pour la continuité, la pérennité.
Louis-Philippe
Au début on s’enlignait pour faire des paniers de légumes, mais il faut qu’ils soient parfaits. On s’est simplement dit qu’on aurait plus de potentiel avec la production de semences.
Est-ce que vous connaissiez, lorsque vous avez acheté, la qualité du sol? Comment avez-vous procédé?
Louis-Philippe
On a commencé par un test de sol. Il y avait 5 % de matière organique. C’était bon, mais le problème ici c’était le nivelage et le drainage.
Quelle est votre motivation? Y a-t-il une personne qui vous a donné envie d’avoir votre propre entreprise agricole?
Louis-Philippe
J’ai toujours voulu avoir une ferme. J’ai toujours voulu habiter en campagne. Je me rendais compte qu’ingénieur mécanique à la campagne, c’est un peu dur. Je me rendais compte que t’es comme un outil, que tu es utilisé pour un contrat ou deux et, après ça, on t’abandonne : il n'y a pas de sécurité d’emploi. Un moment j’ai dit : « Non ». On trippait ferme ben raide, on s’est dit : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour être rentable et vivre de ça? » On regardait les légumes, on est tombé sur le livre de Jean-Martin Fortier. On s’est mis à le lire. C’était tout le mouvement permaculture de début 2010. On a regardé plein de vidéos sur YouTube, pleins de formateurs en ligne, des livres, on en a lu une quinzaine. Aussitôt qu’on voyait un livre, on l’achetait.
Ruxandra
On ne vient pas d’une ferme. Mes parents ne jardinaient pas vraiment. On manquait d’espace pour ça, mais la bouffe c’était important! On allait au marché Jean-Talon quand j’étais jeune chercher nos légumes et on les transformait en choucroute. J’ai toujours voulu retourner à la source et avoir un style de vie meilleure et être plus autonome.
Louis-Philippe
J’ai grandi à Repentigny. J’étais toujours sur bord du fleuve. J’étais tout le temps en train de pêcher et de ramasser des grenouilles.
Donc c’est un peu grâce à votre rencontre que votre projet est né?
Louis-Philippe
Oui. Je ne ferais pas la ferme tout seule, pis Roxy, je ne pense pas non plus.
Ruxandra
Exactement. On se complète vraiment sur beaucoup d’aspects. Je suis plus gestion, transformation et surtout j’aime apprendre. Louis-Philippe, il est plus technique, plus manuel.
Avez-vous un moment plus calme dans l’année?
Ruxandra
On a deux emplois temps plein, mais pour la ferme c’est sur que l’hiver, c’est plus calme.
Louis-Philippe
Ça fait cinq ans qu’on est 7 jours sur 7. Je travaillais de nuit à Montréal, je venais travailler 4 heures à la ferme, je faisais une sieste et je recommençais. On passe même les fins de semaine à travailler. Ça fait cinq ans qu’on fait ça maintenant.
Est-ce que ça va être la première année que vous allez être ici à 100 %?
Louis-Philippe
Oui, ça fait depuis le mois de mars que je m’investis à 100 % sur la ferme.
Pourquoi avez-vous choisi de venir ici dans Lanaudière?
Louis-Philippe
On cherchait un endroit à un rayon d’une heure de Montréal parce que, préalablement, on voulait faire des paniers de légumes. Donc, on ne voulait pas une trop grosse distance de Montréal. C’est sûr que moi, je viens de Lanaudière. J’ai des amis dans le coin. Donc on est plus proche de notre famille. En fait, on a tout d’abord trouvé à Saint-Norbert qui est à 15 km de Saint-Cuthbert. Ensuite, en y allant, on s’arrêtait au dépanneur et on jasait avec les propriétaires qui étaient aussi les propriétaires de notre terre actuelle de Saint-Cuthbert. Ils voulaient absolument la vendre à de jeunes entrepreneurs en culture bio. Ils nous l’ont vendu même s'il y avait de la compétition de deux autres acheteurs potentiels. On a monté un plan d’affaires. On a obtenu un prêt agricole et on a réussi in extremis à l’acheter.
Ruxandra
C’est un peu de tout finalement : la famille, la proximité, Montréal et le fleuve.
Qu’est-ce que vous préférez dans la production de semences?
Ruxandra
L’abondance. Aller d’une semence à un légume et retourner à la semence. Je trouve ça super beau. C’est la vie. La transformation aussi. Moi, j’adore extirper les semences des légumes. Quand c’est la fin de la saison, c’est satisfaisant. Je peux utiliser les légumes pour des mets et les semences pour l’entreprise. Une belle fierté.
Louis-Philippe
Moi, c’est plus le côté scientifique. C’est plus complexe que simplement satisfaire quelqu’un au marché qui rouspète parce que les légumes ne sont pas pareils comme à l’épicerie. Tandis que là, c’est la préservation des semences du patrimoine. Ce qu’on aime, ce sont les cultivars, la rareté. Je collectionnais plein de choses quand j’étais jeune et c’est un peu la même chose que je retrouve dans ce métier-là. Je collectionne des semences et je maintiens le patrimoine vivant et en plus, nous pouvons par notre travail améliorer des cultivars, les rendre plus résistants au froid, à la sécheresse, au mildiou, etc. C’est plus technique que juste faire des légumes.
Pour terminer quel est votre légume préféré?
Ruxandra
J’aime pas mal tous les légumes. C’est difficile de répondre ! J’adore l’ail, mais je dirais le chou pour la choucroute roumaine.
Louis-Philippe
Moi, je dirais la courge parce que j’aime ça la voir grossir. À l’automne, c’est l’abondance!
Louis-Philippe et Ruxandra nous ont fait visiter leurs cinqs jardins. Nous sommes encore ébahis par leurs techniques de travail, leur rigueur, leur professionnalisme et leur persévérance. Ils sont inspirants, vigoureux et organisés comme peu le sont. La formation d’ingénieur de Louis-Philippe et celle de Ruxandra en comptabilité bonifient leurs méthodes de travail et leur donnent un bon air d'aller. Nous sommes choyés de les avoir dans notre équipe pour une première saison.
Je leur souhaite la bienvenue dans notre équipe de passionnés. Grâce à ces inspirants paysans, nous aurons plusieurs nouveaux produits au catalogue 2021 et pour la toute première fois de notre histoire, nous avons de l’ail du Québec.
Leur ferme est certifiée biologique par l’organisme Ecocert.
Contact : fermenouveaupaysan@gmail.com
Catherine Gagnon-Mackay
Directrice des Semences du Portage