Histoire et mission

Semences du Portage

Une entreprise familiale!

De mère et père en fille

Mes parents, Yves Gagnon et Diane Mackay, ont acheté leur terre à Saint-Didace en avril 1979. Durant l'été 1980, ils ont aménagé leur tout premier jardin et ont commencé à transformer en maison une ancienne étable abandonnée sur un plateau de deux acres, sur le rang du Grand-Portage.

Les résultats obtenus avec leur premier potager leur ont permis de prendre conscience de la fertilité de leur terre. 

Mais comment deux jeunes à la mi-vingtaine sont-ils arrivés à vivre sans eau courante, sans électricité et sans budget ?

La construction d'une toilette sèche, l'organisation d'une cuisine d'été dans la grange, l'aménagement d'une aire de feu conviviale pour préparer les repas, l'installation d'une pompe manuelle sur le puits de surface du voisin d'en face, la préparation du sol avec l'aide d'un autre voisin producteur de lait, une motobêcheuse Troy-Bilt toute neuve, beaucoup de détermination et une énergie de jeunes adultes passionnés et irréductibles, voilà les ingrédients qui ont permis à mes parents de concrétiser leur rêve, soit développer un mode de vie reposant essentiellement sur l'autarcie, une consommation minimaliste et une fusion avec la terre, les plantes et la nature sauvage.

En 1981, grâce aux travaux qui ont rendu étanche l'ancienne étable faite de pièce sur pièce, grâce à l'isolation des murs, à l'installation d'un poêle à bois, au creusage d'un puits de surface et au branchement à Hydro-Québec, ils ont pu passer leur premier hiver bien au chaud dans cette nouvelle chaumière quelque peu rustique soit, mais somme toute assez confortable.

Apprendre en cultivant

Une surface de 1,5 acre fut défrichée grâce à l’utilisation d’engrais verts ce qui leur a permis de produire commercialement des légumes de garde, soit tous les légumes qu'on peut entreposer durant l'hiver dans une chambre froide ou dans une armoire de la maison. La clientèle fidèle leur a conféré un revenu suffisant pour poursuivre leur production ainsi que l'aménagement de leurs Jardins du Grand-Portage.

C'est durant ces premières années que mon père put expérimenter et comprendre les rudiments du compostage, de la rotation des cultures, des cultures associées, du contrôle écologique des ravageurs et des maladies ainsi que les bases de la récolte et de la conservation.

L’agriculture biologique, un choix naturel

Ayant travaillé plusieurs saisons sur des fermes maraîchères conventionnelles en Colombie-Britannique, il n'était pas question d'employer de produits de synthèse pour fertiliser leur culture ou les protéger des ravageurs et des maladies. C'est ainsi que bien naturellement, ils optèrent pour l'agriculture biologique et ils firent partie de la première cohorte de fermes certifiées biologiques au Québec par l'organisme Québec-Vrai.

Le premier ouvrage littéraire

Dès 1984, mon père commença à donner à Joliette des formations en jardinage écologique, ce qui lui fournit le matériel nécessaire à la rédaction d'un premier ouvrage intitulé Introduction au jardinage écologique qui fut fort apprécié et demeure une référence dans le domaine. J’ai vu bon nombre de lecteurs l'apporter aux Fêtes des semences pour une dédicace. Malheureusement, il ne se trouve plus en librairie mais on peut l'emprunter dans plusieurs bibliothèques.

Mais comment la production de semences est-elle devenue leur principale activité?

Membre depuis leur arrivée à Saint-Didace du Mouvement pour l'agriculture biologique (MAB), mon père fut élu représentant de la région de Lanaudière ce qui lui valut un siège sur le Conseil d'administration de l'organisme. Cette implication communautaire lui fit rencontrer le frère Armand Savignac, un clerc Saint-Viateur passionné de vignes, de fruits et de légumes, par surcroît féru en culture biologique, qui l'initia à la récolte de semences.

En 1985, mon père, Yves Gagnon, a rencontré le frère Armand Savignac, un clerc Saint-Viateur résidant au Centre de réflexion chrétienne de Joliette. Condamné à l'âge de 42 ans par la médecine officielle à cause de problèmes de digestion, il a quitté l'enseignement pour se consacrer à temps plein au jardinage dans le but de mieux se nourrir ainsi que sa communauté. Suite à des conseils reçus de naturopathes, il a adopté un régime principalement frugivore ce qui lui a permis de vivre jusqu'à l'âge de 95 ans.

La Dufresne

Alors qu'en 1948, il s'initie à la méthode de compostage Indore avec Alphonse Dufresne de Saint-Félix-de-Valois, il rencontre Raymond, le frère d'Alphonse, qui lui remet des semences
d'une tomate rose que le frère Armand cultivera l'année suivante. Il est tellement impressionné par la vigueur des plants ainsi que par la succulence des fruits récoltés qu'il abandonne tous les cultivars qu'il avait expérimentés jusque-là pour se consacrer exclusivement à la culture de cette tomate qu'il baptisa la Dufresne en l'honneur de celui qui lui avait offert les semences.

Les premiers essais

Lorsque mon père a rencontré le frère Savignac dans son jardin en 1985 alors qu'il comptait presque 86 années de vie, il fut ébloui par la qualité de ses 200 plants de tomates qui atteignaient près de 3 mètres de hauteur tout comme par la saveur exceptionnelle des nombreux fruits qu'ils portaient. Il a rapporté des semences offertes chez lui dans le but d'explorer le cultivar en zone plus froide que le microclimat dont le frère bénéficiait, car établi dans la plaine à Joliette en bordure de la rivière L'Assomption et protégé par le bâtiment en pierre où résidait la communauté des clercs Saint-Viateur. Saint-Didace, situé au nord-est de Lanaudière, ne bénéficiait pas d'un tel climat : une saison beaucoup plus courte, soit 80 jours sans gel, comparativement aux 120 jours dont profitait le frère Armand.

De la Dufresne à la Savignac

La première année, mon père n'a récolté que quelques tomates mûres dont il préleva tout de même les semences. Puis, grâce à un travail de sélection méticuleux, il réussit après quelques années à obtenir 3 grappes de fruits mûrs, aussi savoureux que ceux produits par le frère Savignac. Encouragé par les résultats obtenus grâce à une sélection orientée vers la précocité et la rusticité, il décida lors du décès d'Armand en 1994 à l'âge de 95 ans de baptiser la lignée nordique de la Dufresne, la Savignac, en l'honneur du frère qui l'a sauvée de l'extinction.

Depuis ce temps, mon père ne cesse d'améliorer le cultivar ce qui a fait de la tomate Savignac une tomate très savoureuse se développant sur un plant adapté au froid, résistant aux maladies et très productif. Quoi de plus?

Mon père, qui fut le premier producteur québécois de semences artisanales, a poursuivi avec passion son travail de semencier depuis cette rencontre déterminante qui allait changer sa vie et le cours de ma vie! Il a par la suite développé l'oignon Rouge de Saint-Didace, la tomate Noire du Portage, le piment Rouge de Maskinongé et dans une moindre mesure la laitue Côte de Beaune.