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Du melon de Montréal au melon Oka

Du melon de Montréal au melon Oka

Une aventure patrimoiniale

Voilà maintenant 25 ans que je me suis fait semencier et que je constate un intérêt intarissable pour le melon de Montréal, une culture fruitière d'importance au début du siècle dernier sur le flanc sud du Mont-Royal, aujourd'hui l'arrondissement Côte-des-Neiges — Notre-Dame-de-Grâce. Le protubérant melon brodé à chair verte et musquée se vendait alors en tranches jusqu'à 1,50 pièce dans les villes de New York et de Boston. On sait que déjà, à Québec en 1684, les Jésuites produisaient un gros melon au goût de muscade, sans doute l'ancêtre du melon de Montréal.

La littérature nous informe aussi que dans les années 1800, les familles Décarie et Groman cultivaient cette souche qu'ils sélectionnaient et amélioraient sur leurs fermes montréalaises. Sa production nécessitait des techniques de forçage reposant sur des couches chaudes à châssis doubles. Vers 1905, on rapporte que la famille Décarie produisait des fruits pouvant atteindre 12 kg et qui se détaillaient jusqu'à 15 $ la douzaine sur le marché américain, une fortune pour l'époque.

À partir de 1920, avec l'étalement urbain, les fermes qui le produisaient furent vendues à des promoteurs immobiliers et petit à petit, la culture du melon mythique fut réduite puis complètement abandonnée. Heureusement, en 1996, le journaliste de la Gazette Mark Abley, curieux de patrimoine, en retrouva des graines dans une banque de semences du Département de l'agriculture américain en Iowa. C'est Ken Taylor, propriétaire d'une ferme sur L'Île-Perrot qui reçut le mandat de les semer. Une seule graine sur les 200 récupérées a germé, mais le plant qui en fut issu permit de sauver le melon de Montréal de l'extinction. On en trouve certaines années des semences chez des semenciers artisanaux.

Semences melon brodé Oka

Création du melon Oka

Comme le melon de Montréal était imposant, qu'il résistait mal au transport, que sa culture était complexe, qu'il était friand de chaleur et de temps, on pouvait difficilement le réussir ailleurs que sur l'île de Montréal. C'est un peu pour cette raison que le père Athanase, moine cistercien et directeur de l'Institut agricole d'Oka, le croisa vers 1910 avec le melon américain Banana. Il en résulta un melon brodé à chair orange très parfumée, bien en chair, mais moins corpulent que le melon de Montréal et surtout, moins dépendant des degrés jours pour mûrir ses fruits. Par une sélection laborieuse des descendants de cet hybride, on réussit à en stabiliser la génétique et en faire un cultivar à pollinisation libre qui pouvait transmettre ses caractères à ses descendants. C'est ainsi que le melon Oka est né. Toutefois, à la fermeture de l'Institut en 1962, le cultivar fut presque perdu. Heureusement, on en retrouva des semences chez un jardinier de L'Île-Bizard ce qui permit de le sauver in extremis. Il fut depuis ce temps établi avec succès dans plusieurs régions du Québec. Je le cultive depuis 25 ans à Saint-Didace en zone 4 b et réussis à en produire des semences.

Yves Gagnon semencier melon brodé Oka

Techniques de culture

Je sème au début de mai 2 graines par pot de plastique de 8 cm de diamètre dans un terreau constitué de 4 parties de compost mûr pour 3 parties de perlite et 3 partis de fibre de coco. Lorsque les deux semences germent, au stade des 3 feuilles, je taille au ciseau le moins beau des deux plants. Après un mois de soins attentionnés, je transplante les plants au début de juin aux 1,5 m dans un sol léger, généreusement amendé en compost et bien exposé au soleil. Le secret consiste à ne pas déranger les racines au moment de la transplantation. Il faut conserver la motte intacte lors de l'opération. Il s'agit de bien humecter le terreau, de compresser la motte à l'aide de ses doigts et de bien la soutenir au moment de la déposer dans la fosse de plantation. Il importe aussi de choisir un emplacement orienté vers le sud et abrité du vent.

L'emploi d'un agrotextile le premier mois de croissance protège les jeunes plants des températures nocturnes fraîches ainsi que de la chrysomèle rayée du concombre, le principal ravageur des cucurbitacées. Bien que de nombreux jardiniers pratiquent une taille des plants durant l'été, pour ma part je ne fais que tailler l'extrémité des tiges en août de façon à éliminer les fruits inaptes à mûrir. Règle générale, on récolte de 4 à 6 fruits de 2 à 3 kg par plant au mois d'août. Sa chair désaltère, ravit et embaume. Parfumée et sucrée, elle se congèle très bien ce qui permet de préparer en hiver d'onctueux sorbets et de séduisants granités. 

Yves Gagnon, auteur et semencier.

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